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" L¿esthétique, ou la théorie du beau et de l¿art, est la partie de la philosophie qui a été le plus négligée parmi nous. On ne rencontre pas une seule ligne sur ce grand sujet avant le père André et Diderot. Diderot, qui avait des éclairs de génie, où tout fermentait sans venir à maturité, a semé çà et là une foule d¿aperçus ingénieux et souvent contradictoires[1] ; il n¿a pas laissé une théorie sérieuse. Dans une école contraire et meilleure, disciple de saint Augustin et de Malebranche, le père André a composé sur le beau un livre estimable, où il y a plus d¿abondance que de profondeur, plus d¿élégance que d¿originalité[2]. Condillac, qui a écrit tant de volumes, n¿a pas même un seul chapitre sur le beau. Ses successeurs ont traité la beauté avec le même dédain ; ne sachant trop comment l¿expliquer dans leur système, ils ont trouvé plus commode de ne la point apercevoir. Grace à Dieu, elle n¿en subsiste pas moins et dans l¿âme et dans la nature. Nous allons essayer d¿en recueillir les traits essentiels sans les altérer par aucun préjugé systématique ; nous en laisserons paraître la variété, et nous tâcherons aussi d¿en saisir l¿harmonie. Nous l¿étudierons successivement dans l¿homme qui la connaît et qui la sent, dans les objets de tout genre qui la contiennent, dans le génie qui la reproduit, dans les principaux arts qui l¿expriment chacun à leur manière selon les moyens dont ils disposent."
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